Lennon est née dans un chou. Pourquoi pas dans une rose ? Parce que Lennon n'a jamais été comme tout le monde, et si toutes les petites filles naissent dans des roses, elle, elle a décidé depuis qu'elle est en âge de décider -c'est à dire depuis toujours- qu'elle était née dans un chou ! C'est comme ça, et c'est pas autrement. Oui, la jeune femme a toujours eu un caractère bien trempé, et ce dès son premier cri qui dura... une éternité ! Dès l'expulsion de l'utérus maternel, elle n'a plus jamais cessé de hurler, c'est ainsi, il faut s'y faire. Et pourtant... Estrella est née en plein milieu du mois d'Août, déjà, elle était chiante, obligeant sa mère à rester alitée en pleine canicule dans une maternité non climatisée. Née de l'amour inconditionnel que Benitio D'Onofrio vouait à Paola Stradiotti, elle allait devenir l'étoile de leur vie. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a été nommée "Estrella"... Lennon ? Sa mère adorait les Beatles, et plus particulièrement John Lennon, ce qui explique son second prénom. Enfin, c'est ce qu'on lui a toujours raconté. Et puis c'est crédible, non ? Combien de gamines portent le nom d'une chanteuse à succès à l'époque de leur naissance ? Un bon paquet, alors pourquoi pas Lennon ? La vérité est ailleurs, comme dirait Mulder, et l'enfant l'a toujours sentit. On ne lui avouera jamais la vérité, mais comme je suis sympa, je vais vous la donner. Paola, 9 mois avant la naissance de son bébé, était à Liverpool avec une bande d'amies. Elles avaient décidé de se faire un été dépaysant et décoiffant, et... Paola n'a pas été déçue. Elle a fait la connaissance d'un charmant British qui lui a apprit à descendre 12 pintes sans vomir, à danser sur les tables en chantant faux, à explorer diverses positions du kamasutra totalement inconnues du commun des mortels, et qui lui a laissé un joli souvenir de 4kg350 ! Et oui, Lennon est le fruit d'une relation décriée par le Vatican. Et en revenant à Rome, Paola n'en menait pas large. Issue d'une famille archi pratiquante, pour éviter de se faire remonter les bretelles, celle qui avait juré sur la Bible que sa pureté resterait intacte jusqu'au mariage, sauta sur le premier soupirant qui... soupirait. Benitio. Cela faisait plus d'un an qu'il lui tournait autour, alors passé la surprise du fait qu'elle lui adressait la parole, il ne s'est pas plus posé de questions. La belle Paola s'offrait à lui, il n'allait pas refuser. Très vite, elle se jeta dans son lit, et encore plus vite, elle lui fit croire être enceinte de lui. Il goba absolument tout, et la demanda en mariage. Sept mois plus tard, on donnait "Lennon" en deuxième prénom à ce joli bébé blond comme les blés. Les Beatles, tu parles ! Souvenir de Liverpool, oui !

Benitio était donc bien loin d'être l'âme soeur de Paola, vous l'aurez compris, et lui aussi fini par le comprendre. Sa femme ne vivait que pour sa fille, qu'avec sa fille, formant un vrai couple à elle deux. On cédait au moindre caprice de la jolie petite poupée, elle était gâtée, adorée, adulée, posée sur un piédestal. Elle était une petite princesse pour tous. Pour sa mère, naturellement, qui passait son temps à la coiffer et à l'habiller, voir même à la maquiller, mais aussi pour Benitio qui voyait là, le moyen de se faire bien voir de son épouse. Cela dit, l'enfant avait déjà son propre caractère, et savait comment obtenir tout ce qu'elle souhaitait. Un visage d'ange, un sourire innocent et le tour était joué. C'est à cet âge, et de manière très précoce qu'elle comprendra comment tirer son épingle du jeu, et comment faire pour obtenir des autres ce, qu'à priori, ils n'avaient pas l'intention de vous offrir. Mais c'est auprès de sa mère qu'elle cultiva l'art de la belle vie, cette vie insouciante et sans réelles attaches. Alors que Lennon était installée dans une école réputée de la Capitale, sa mère décida qu'il était temps d'aller voir du pays. Du jour au lendemain, sans préparation préalable, elle arracha l'enfant à ses habitudes pour la trainer avec elle au nord de l'Italie. Elle tenta de faire sourire sa fille, lui expliquant qu'elles allaient vivre, maintenant, dans la cité de Roméo&Juliette, celle de l'amour éternel. Mais Lennon n'en avait rien à secouer de Vérone, son balcon et tout le folklore, si elle avait souhaité étudier Shakespeare, elle serait aller à Londres, et non pas dans cette bourgade reculée et vieillissante. Mais il n'était pas question qu'on lui demande son avis. Paola était amoureuse, encore une fois. Son coeur d'artichaut de mère n'avait rien trouvé de mieux que de s'éprendre du artiste de rues, qui après sa saison à Rome, rejoignait Vérone pour poursuivre les festivités. Benitio ? Il était rester à Rome, durant toute sa vie il aura été marié à un fantôme, celui de Paola qui vivait comme elle l'entendait, avec Lennon sous le bras. L'artiste de rues ne passa pas l'été, Paola lui avait déjà préféré un autre Apollon véronais, mais la vie des deux blondes à Vérone ne faisait que commencer. Finalement, Lennon s'y plaisait bien. Dans un petit appartement, où elle logeait avec sa mère, elle passa les meilleurs moments de sa petite vie. Elle se souvient encore des soirées passées à danser sur les vinyles que sa mère ovationnait, elle se souvient encore de ses longs colliers qui tournoyaient en même temps qu'elle, et de ses longues mèches blondes qui venaient lui barrer le visage lorsqu'elle penchait la tête en arrière, transportée par la musique. Elle se souvient aussi des jour où elle s'endormait derrière le bar que tenait l'amant de sa mère, des habitués qui lui déposaient des bisous sonores sur les joues chaque fois qu'elle passait la porte. Elle était rapidement devenue la mascotte du lieu. Les années passèrent, les shorts de Lennon raccourcirent, mais pas son statut de mascotte. Ce n'était plus les vieilles dames qui s'écriaient "qu'elle est belle", et c'était un tout autre type d'habitués qui reluquait ses cuisses fuselées chaque fois qu'elle grimpait sur le bar pour piquer une des bouteilles qu'on planquait derrière, mais son statut restait inchangé, et elle aimait ça. Elle avait fait de sa ville d’adoption SA ville à elle. Elle avait une capacité d’adaptation proche de celle de l’élastique, et savait se faire accepter partout où elle se rendait. On l’aimait pour son charisme et son rire, pour sa beauté et ses blagues pas drôle, pour sa joie de vivre et sa capacité a trinquer sans jamais rouler sous la table. Elle était devenue le sosie de sa mère, et aimait à croquer dans la vie quitte à parfois, se brûler les ailes.

L’amour c’est comme un violent poison qui vous prend toute entière et vous réduit en poussière, après, bien évidemment, vous avoir fait faire les pires conneries du monde. Lennon en avait eu l’exemple avec sa mère. Paola avait beau se décrire comme une femme indépendance, libre et libérée, il n’en restait pas moins qu’elle avait toujours tout fait en fonction des hommes. Elle avait eu Lennon à cause d’un homme, avait dû en épouser un autre à cause de ce même homme, elle avait quitté Rome à cause d’un homme, avait été montrée du doigt comme une femme adultérine à cause de cet homme, elle était resté à Vérone à cause d’un homme, elle avait trouvé une sorte de stabilité à cause de ce même homme, et aujourd’hui, si elle quittait Vérone c’était à cause d’un autre homme. A presque 50 ans, Paola avait des envies de liberté soudaine. Comme si elle avait été sédentaire pendant trop longtemps, il fallait qu’elle péte un câble et retrouve sa vie de Nomade des temps modernes. Elle rêvait de retourner à Rome, ou en Sicile, d’avoir un potager, et de chanter dans le lyrique. Elle rêvait surtout de suivre Nino, le nouvel homme de sa vie, le 8ème en 20 ans. Pauvre Benito, toujours marié à cette mangeuse d’homme naïve et romantique. Mais ce que voulait Paola, c’était que sa fille parte avec elle. Mais âgée de 20 ans et des poussières, Lennon n’avait plus dans l’envie de suivre sa mère au gré de ses humeurs et de ses envies. Sa vie était à Vérone à présent, et elle n’avait pas dans l’intention de renoncer à ce qu’elle avait construit ici. Foncièrement, elle n’avait pas grand-chose, elle était vaguement serveuse, vaguement modèle nu pour les écoles d’art, vaguement organisatrice d’évènementiel, vaguement styliste, vaguement artiste. Une touche-à-tout qui vivait dans un 40m² où s’entassaient fringues et chaussures, et qui considérait son chien comme le seul homme de sa vie. Des conquêtes elle en a eu, souvent, très souvent même, mais jamais rien de serieux. Comme une abeille, elle butine de fleur en fleur sans jamais s’arrêter trop longtemps sur un même pollen. Elle ne trompe personne, elle a toujours été honnête avec chaque partenaire. Elle veut s’amuser, ne pas se prendre la tête et rester fidèle à son chien. Alors elle est restée à Vérone, ville de l'Amour éternel auquel elle ne croit pas le moins du monde. Ce n'est pas grave, c'est de la ville dont elle est amoureuse, elle a eu la révélation dès les premiers temps passés ici. Elle peut être qui elle veut, faire ce qu'elle veut, elle est aussi indomptable que l'amour, et tout aussi imprévisible aussi.