Tosca J. Dal Cappello FORBIDDEN FRUIT — Cause the morning always come to kill the dream — | Sujet: ► skins and bones Mar 19 Juil - 17:24 | |
| « Et qui sont tes créateurs préférés, Yuri ? » demandai-je au jeune homme à la tête de déterré qui se tenait à l’arrière de ma caméra. « J'y connais rien à la mode moi, t’sais. Je connais aucun nom, nada. Du moment qu'on m'trouve du boulot et que ça rapporte bien, j'me fous d'qui paie. » J’ai jugé juste ; un débauché, doublé d’inculte. Il tira une longue bouffée de sa cigarette et vint m’évacuer sa fumée toxique au visage. C’est ça, consume toi. Comme si tu ne ressemblais pas assez à un cadavre. Passer mes journées à suivre des individus de ce genre, une caméra à la main et les bras endoloris était la dernière de mes aspirations, mais travailler pour une aussi grande chaine que fashion tv n'était aucunement de refus. En un mois de boulot, j'en ai rencontré, de sacrés numéros, et j'me suis rendu compte que ces poupées vivantes n'avaient rien de classe ou de glamour. Tout n'était qu'illusion. Cette industrie entière n'est qu'une illusion. « Qu'est ce qui te rend d'aussi bonne humeur, Robbie ? » Le jeune éphèbe au sourire large et aux yeux luisants assis sur les marches d'une maison quelconque se redressa avec vivacité pour pointer du doigt ses baskets. « Regarde moi ces chaussures putain, c'est des Yves Saint Laurent !!! » Il n'attendait apparemment que l'occasion de pouvoir se vanter de sa nouvelle acquisition. Je ne savais pas qu'un simple accessoire pouvait rendre quelqu'un aussi euphorique. Beaucoup comme lui sont abrutis par l'argent et le luxe qui les entoure. Ils me font de la peine, ces jeunes. « J'aime pas qu'on nous traite comme des poupées inertes en vitrine d'un magasin. » De quoi tu te plains merde, t'es payée des masses pour rien faire. J'me réjouirai de te voir au chômage, tiens. L'être humain est décidément éternel insatisfait. « Alors Will, il s'est passé comment, ce show ? » « Je n'ai défilé qu'en une seule tenue. Ils ont pas l'air de m'aimer, ces connards. » Désolé que tu ne sois pas le centre des regards, crâneur. Ceux là m'amusent particulièrement, à se prendre pour le nombril du monde. Heureusement que la beauté est éphémère et que le temps finira par désenfler leur orgueil. « C'est quoi ça, ton déjeuner ? » « Ouaip, carottes et jus d'orange. Yummy. » J'te plains, sérieux. Même ma nièce de deux ans poufferait si on lui présentait ça au déjeuner. Bon appétit! « Comment tu te sens à l'idée de défiler ? T'es excité ? » « Ouais, c'est la bière qui m'attend de l'autre côté qui m'excite. » En effet, Marcel marcha le long du podium et s'empressa à son arrivée de s'emparer d'une bière dissimulée derrière l'écran de projection. Ça c'est sûr, il se réjouit d'être là lui. « MMMMMMMFFFF, de la puuuure cocaïne. C'est ça, la mode. » Je vois ça. Quel raffinement, quelle subtilité. J'ferai mieux d'quitter cet appart, avant que quelqu'un ne vienne m'dégueuler dessus. « Merde, j'ai oublié de me raser les jambes. C’est pas si grave, hein ? » Pas quand on a le poil brun. Toutefois, je me contentai d’acquiescer, qui sait si elle n'irait pas me demander de lui chercher un rasoir. J'espère que les invités ne manqueront pas de remarquer cette bavure. « C'est pas facile comme vie, tu sais, de se lever chaque jour dans un endroit différent. J'me retrouve souvent seule la nuit, à pleurer parce que je n'ai personne à qui parler et que je n'peux pas téléphoner à mes parents parce qu'il est tard et qu'ils sont trop loin. » Pauv' chose. T'avais qu'à te contenter d'finir tes études et d'mener la vie banale à laquelle t'étais destinée. Certains comme elle sont inscrits à l'université ou au lycée pour rassurer leurs parents qu'ils ne foutent pas totalement leur avenir en l'air. Si seulement ils savaient dans quelle mascarade ils ont entrainé leurs gosses.
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